Témoignage des parents de Malo

Malo, le petit porteur d’espoir En gaélique, Malo signifie le « porteur de lumière ». Nous n’imaginions pas en choisissant ce prénom qu’il prendrait rapidement tout son sens. Notre fils est né le 24 septembre 2019. Il a de grands yeux rieurs, est curieux de tout, rit aux éclats à la moindre occasion, sourit au monde et blablate sans arrêt. À première vue, rien ne le différencie des autres enfants de son âge. Au moment où nous écrivons ces lignes, il ne marche certes pas encore. À quatorze mois, il se déplace en faisant des roulés-boulés et commence à peine le quatre pattes ; mais rien d’alarmant, rien d’anormal, chacun son rythme.

Être né quelque part… Son destin aurait pourtant pu être très différent car Malo est né avec une amyotrophie spinale de type 1. Dépisté dès la naissance et traité dès sa quatrième semaine de vie, il n’a, à ce jour, développé aucun symptôme de cette terrible maladie. Il est en bonne santé, se développe normalement et tout porte à croire qu’il marchera sans trop de difficulté, ni aucune assistance. Il fréquente actuellement la crèche et nous espérons pour lui une vie quasiment normale. Notre fils a cette chance inespérée tout simplement parce qu’ il est né du « bon côté de la frontière ». Français par son papa, Belge par sa maman, Malo est né en Wallonie, région francophone de Belgique où l’amyotrophie spinale est détectée dès la naissance.

Le dépistage s’y effectue via le test de Guthrie, que l’on appelle aussi le test du « papier buvard ». Cet examen existe dans plusieurs pays d’Europe, dont la France : il s’agit d’un prélèvement sanguin effectué sur tous les nouveau-nés à la maternité servant à identifier certaines pathologies. Une simple formalité dans la plupart des cas. Le nombre de maladies dépistées varie d’un pays à l’autre ; voire d’une région à l’autre. La Communauté francophone de Belgique a fait récemment le choix de soutenir en Wallonie et à Bruxelles un projet pilote du CHU de Liège et de l’ABMM (Association Belge contre les Maladies neuro-Musculaires) pour dépister l’amyotrophie spinale chez tous les nouveau-nés. Malo est l’un des tout premiers enfants bénéficiaires de cette immense avancée.

Le coup de téléphone Le dimanche 13 octobre 2019, trois semaines après sa naissance, alors que nous découvrons avec félicité les joies de la parentalité, le téléphone sonne aux alentours de 13h : à l’autre bout du fil, un pédiatre de l’hôpital où notre fils est né nous informe que Malo serait peut-être atteint d’amyotrophie spinale. Nous devons contacter un spécialiste sur Bruxelles afin qu’il nous indique la marche à suivre. L’appel a duré moins de trois minutes, le temps pour le praticien de mentionner rapidement l’existence d’un traitement très récent et d’insister sur l’urgence de la situation. Nous laissant seuls avec cette bombe, le numéro de portable de son confrère, le souvenir vague d’un reportage à la RTBF (la télévision belge francophone) et Google…

Nous avions en effet déjà entendu parler de cette maladie rare. Durant tout le mois de septembre 2019, le cas de la petite Pia – petite flamande n’ayant pas été dépistée, car vivant de l’autre côté de la frontière linguistique – avait suscité le débat en Belgique. Nous savions donc que cette maladie était très grave et une rapide recherche sur le net a vite fait de nous plonger dans le désarroi. Paniqués, nous prenons l’initiative de contacter directement le numéro laissé par le pédiatre et laissons un message sur son répondeur.

Premier contact et confirmation du diagnostic

Le Docteur D., neuropédiatre est sûrement un homme très occupé : il a pourtant su se rendre très disponible et nous donner l’impression pendant les premiers jours que Malo était son unique patient.

Il nous rappelle le jour même (un dimanche), prend le temps de dresser un bilan de la situation et de nous rassurer quant à l’efficacité du traitement. Il bouscule son agenda pour nous recevoir le lendemain dans les locaux de l’H.U.D.E.R.F.

Lors de ce premier rendez-vous, il ausculte Malo et conclut qu’il n’a pas de symptômes visibles de la maladie. Il prend également le temps de nous expliquer les mécanismes de l’amyotrophie spinale et les traitements récents déjà disponibles. Il répond à nos questions, nos inquiétudes et devant notre détresse s’autorise même une pointe d’optimisme, car pour lui la prise en charge rapide de la pathologie est la clé : il ne nous fait bien sûr aucune promesse, mais nous explique que puisque Malo est né avec un mois d’avance et qu’il ne présente aucun symptôme visible, il a de très bonnes chances de s’en sortir. 

À l’issue du rendez-vous, une prise de sang est effectuée afin de confirmer le diagnostic et de déterminer le nombre de gènes SMN2 et donc, le type de la maladie. Nous sommes bien évidemment toujours sous le choc en sortant de l’hôpital. Mais nous avons la sensation d’être entre de bonnes mains et nous espérons une issue positive pour notre enfant.

Un choix difficile

Grâce au suivi du docteur D., les résultats de la 2e analyse tombent rapidement et confirment nos craintes : Malo est bien atteint d’une SMA de type 1 et n’a que deux gènes SMN2. Il n’y a pas de temps à perdre et la machine administrative est lancée pour que Malo puisse recevoir dans les plus brefs délais une injection de Spinraza ; seul traitement autorisé en Belgique. 

Deux jours avant la première injection, coup de théâtre : le docteur Deconinck nous informe qu’une place est disponible pour Malo dans une étude visant à autoriser le Zolgensma. Si nous acceptons, cela signifierait que Malo ne serait pas traité immédiatement mais seulement dans deux ou trois semaines, le temps d’entrer dans l’étude. 

Ce fût un choix cornélien, mais nous décidons de décliner cette possibilité. Soucieux d’enrayer au plus vite la dégénérescence (peut-être déjà entamée) des cellules de notre enfant. Nous ne pouvons pas prendre le risque de le voir développer des symptômes. L’état de notre fils se détériore peut-être silencieusement et rien n’indique à ce moment-là que le Zolgensma pourrait avoir un effet rétroactif en cas de dommages.

Il nous arrive encore parfois de questionner ce choix, d’en discuter entre nous. Certains le jugeront mauvais, vu l’accumulation de données positives sur les résultats de la thérapie génique qui se sont multipliées au cours de la dernière année. 

Nous n’avions pas ces données à ce moment-là. Nous ne regrettons donc pas notre choix. Il s’agissait sans aucun doute de la décision la plus raisonnable au vu des informations que nous avions. Aucun parent ne devrait avoir à faire ce genre de choix pour son enfant.

Le traitement et le suivi

Malo reçoit sa première injection un jeudi, dix jours seulement après le premier diagnostic. Il n’a toujours aucun symptôme et la course contre la montre semble gagnée. Il reçoit une seconde et une troisième injection à quinze jours d’intervalle, puis une quatrième un mois après. Malgré l’excellence et le professionnalisme des équipes de l’H.U.D.E.R.F., c’est douloureux à chaque fois. Pour lui mais aussi, pour nous ses parents, qui assistons impuissants à la détresse de notre bébé. 

C’est particulièrement difficile lors de la quatrième injection, le lendemain de son premier Noël : une fibrose s’est développée à cause des piqûres à répétition et après plusieurs tentatives, aussi douloureuses que infructueuses, les pédiatres doivent se résigner à l’anesthésier pour qu’il puisse recevoir le traitement.

Les premiers mois, les examens sont nombreux : laboratoire du sommeil, rendez-vous avec le pneumologue, suivis avec le docteur Deconinck et son équipe. À chaque fois le verdict est le même : Malo va bien. Il est presque étonnamment « normal ». Le quasi émerveillement que son état de santé suscite chez les praticiens qui le croisent nous permet, à nous parents, de mesurer la chance qui est la nôtre.  

Aujourd’hui, Malo reçoit une injection tous les quatre mois. Les trois dernières fois, il a pu rentrer le jour même et n’a pas passé la nuit à l’hôpital. Après chaque traitement, il retrouve Julie, l’ostéopathe, pour soulager le traumatisme : cela lui fait un bien fou. Notre médecin de famille nous a également apporté un réel soutien dès l’annonce du diagnostic et ce, encore aujourd’hui, lorsque nous avons besoin de conseils ou que nous sommes inquiets pour Malo. En dehors des hospitalisations et de son rendez-vous hebdomadaire avec Charlène, la kinésithérapeute Bobath qui l’accompagne afin qu’il puisse progresser à son rythme, son quotidien est celui de n’importe quel enfant.

Notre témoignage

Le dépistage néonatal de l’amyotrophie spinale fonctionne. Nous sommes certes passés par des montagnes russes émotionnelles, nous avons dû faire des choix difficiles et nous avons parfois eu l’impression « d’essuyer les plâtres » tant la situation est nouvelle pour le corps médical. 

Il n’y a pourtant pas de comparaison possible entre notre épreuve et les douleurs vécues par les familles dont les enfants n’ont pas eu la chance de naître au bon moment et au bon endroit. 

À l’heure où des traitements efficaces existent, l’opportunité de vivre en bonne santé ne devrait pas être une question de frontière, et il n’est plus concevable que Malo soit l’un des seuls petits français (l’unique ?) à vivre normalement malgré sa maladie. Nous témoignons car sans l’action d’associations telles que l’ABMM et ECLAS, l’histoire de notre famille n’aurait définitivement pas été la même. Merci à elles !